« […]sans me priver de mettre l’accent sur l’ethnographie, je me suis attardé sur l’archéologie, sa sœur, j’ai louché sur l’art, et, ce qui était revenir en un sens sur les deux premières de ces disciplines, j’ai rêvé d’histoire […]
Georges Henri Rivière – Rapport sur les musées de Bordeaux au Directeur des musées de France, le 27 juillet 1961
Le nom « musée d’Aquitaine » est évoqué dès 1948 dans un rapport de Georges Salles sur le plan muséographique de Bordeaux « Le musée d’Archéologie serait élevé à la dignité de Musée d’Aquitaine, dénomination plus à la mesure de son programme rénové : l’archéologie régionale gallo-romaine et du haut moyen-âge. »
Son premier véritable programme se dessine en 1961, dans le rapport de Georges Henri Rivière adressé à la Direction des musées de France sur les collections des musées bordelais. Georges Henri Rivière propose d’associer l’ethnographie et l’archéologie au service d’un musée d’histoire régionale qui fait alors défaut à l’Aquitaine.
Les collectes

Très impliqué, le muséologue entretient de nombreux échanges par courrier avec Louis Valensi, directeur de l’époque, et se déplace plusieurs fois à Bordeaux pour des réunions de travail. Il suggère naturellement le recours à la méthode d’enquête-collecte systématique afin de répondre à l’urgence de conserver le témoignage d’un mode de vie en voie de disparition. Ses conseils sont suivis et mis en application. Les missions de collectes débutent en 1962. En 1967, « le plan des 4 ans » est mis en place pour organiser les enquêtes par zones géographiques et thèmes de collectes précis.
Maison de Maître, Marquèze © GAUTHIER Lysiane – Musée d’Aquitaine Maison du Brassier, Marquèze » ©GAUTHIER Lysiane – Musée d’Aquitaine
À l’occasion des collectes sera créé le Centre de Documentation d’Ethnographie d’Aquitaine chargé du classement systématique de la documentation recueillie au cours des missions. Cette entité fait écho au Centre d’ethnologie française, associé au musée national des arts et traditions populaires, dans sa démarche de musée-laboratoire. Le CDEA sera également missionné dans l’étude pour un musée de plein-air des Landes de Gascogne ; Écomusée de Marquèze en 1969.

Durant toute cette période cependant, le musée d’Aquitaine n’a pas de locaux propres. Il occupe une aile du musée des beaux-arts en attendant une solution de bâtiment. La première exposition majeure du musée d’Aquitaine est inaugurée en 1971. Bordeaux, 2000 ans d’histoire préfigure les espaces à venir du musée, présentant les pièces phares de ses collections. Georges Henri Rivière participera à sa conception en tant qu’« expert » ayant validé la synthèse générale de son programme avec Louis Valensi. Il signera d’ailleurs avec ce dernier l’introduction du catalogue.
Travail à ferrer, Manzac-sur-Verne, Dordogne © Musée d’Aquitaine Vue des espaces permanents sur l’Aquitaine à l’époque gallo-romaine © Musée d’Aquitaine
Après de nombreuses études d’implantation, le bâtiment est trouvé dans l’ancienne Faculté des Lettres et des Sciences de Bordeaux en plein centre-ville et d’une surface de 5000m2. Les travaux débutent en 1983. Le musée d’Aquitaine est balloté entre difficultés architecturales, financières et humaines. Plusieurs directeurs se succèdent : Louis Valensi, Louis Maurin, intérim de Dellie Muller et Chantal Orgogozo qui ouvrira le musée en 1987. C’est à cette date que le premier étage sur l’ethnographie régionale ouvre. Ces espaces s’inspirent de la muséographie de Georges Henri Rivière. Le rez-de-chaussée ouvre 4 ans plus tard en 1991, abordant l’histoire de l’Aquitaine de la préhistoire à l’époque moderne. Le musée d’Aquitaine est à présent doté d’espaces permanents à la hauteur de ses collections. Il s’emploie ensuite à mettre en place une véritable dynamique d’expositions temporaires d’envergure, sous la direction d’Hélène Lafont-Couturier.
Vue des espaces permanent sur Bordeaux au XVIIIe siècle, © L. Gauthier – Musée d’Aquitaine Vue des espaces permanent sur Bordeaux au XX- XXIe siècle, © L. Gauthier – Musée d’Aquitaine
En 2009, de nouveaux espaces ont été réalisés pour évoquer Bordeaux au XVIIIe siècle, le commerce en droiture et la mémoire de la traite négrière. Il s’agit d’une rupture dans l’histoire du musée d’Aquitaine et dans l’héritage de GHR. En effet la ville de Bordeaux a souhaité répondre à des revendications mémorielles qui souhaitaient que le passé négrier de Bordeaux soit montré. La réponse de la ville de Bordeaux a été de proposer une exposition permanente consacrée à cette histoire, exposition pilotée par François Hubert, directeur du musée d’Aquitaine et par Christian Block, conservateur en charge des collections modernes. Les espaces consacrés à l’ethnographie rurale de l’Aquitaine, qui n’intéressaient plus grand monde ont été vidés et réutilisés pour évoquer l’histoire de la ville de Bordeaux et ses échanges avec l’Afrique et les Antilles. Il y a eu un véritable changement d’échelle et de point de vue qui a connu, et qui connait toujours, un vrai succès public. Dans cette lancée de renouvellement de la muséographie du premier étage, les espaces Bordeaux, port(e) du monde : 1800-1939 ouvrent en 2014, suivis des espaces Bordeaux-Aquitaine : XXe-XXIe siècles qui ont ouvert le 21 mars 2019. Ils auront la particularité de revenir sur des caractéristiques identitaires de la région pour un témoignage du monde contemporain.